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Greffe

21 fév 2024

Actualités dans la transplantation des patients diabétiques : greffes combinées rein-pancréas, rein-îlots et outils de suivi à long terme

Christophe MASSET, CHU de Nantes

La néphropathie diabétique représente 20 à 25 % des causes d’insuffisance rénale terminale en France, et jusque 30 % aux États-Unis où l’obésité et la malnutrition sont en augmentation constante et dramatique depuis plusieurs années. Si une majorité de ces patients sont atteints de diabète non auto-immun (principalement du fait d’une insulino-résistance, i.e. diabète de type 2), le diabète auto-immun (classiquement dit « type 1 ») représente 10 à 15 % des cas de diabète en France. Malgré l’optimisation des traitements néphroprotecteurs et diabétiques, environ 30 % des patients diabétiques de type 1 vont évoluer vers l’insuffisance rénale terminale, la plupart avant l’âge de 50 ans. L’enjeu est donc majeur à proposer à ces patients jeunes, une stratégie de transplantation optimale, afin de suppléer efficacement l’insuffisance rénale terminale, mais aussi corriger le diabète, source de complications métaboliques graves (hypoglycémies, acido-cétose), de complications cardiovasculaires sévères, et d’une diminution de la survie du greffon rénal via la récidive de néphropathie diabétique sur le greffon(1).

De la transplantation pancréatique à la greffe d’îlots de Langerhans La transplantation de pancréas total, seule (Pancreas Transplant Alone – PTA, 10 %), après une transplantation rénale (Pancreas After Kidney – PAK, 10 %) ou simultanée à la transplantation rénale (Simultaneous Pancreas Kidney – SPK, 80 %) représente le traitement de choix pour ces patients, permettant une restauration endogène d’insuline et donc la guérison du diabète insulinopénique. L’activité de greffe pancréatique (environ 80 à 100 greffes par an en France) est assurée par quelques centres experts, du fait entre autres d’une technique chirurgicale complexe et lourde. Lorsque la transplantation pancréatique est impossible, du fait de comorbidités cardiovasculaires avancées chez le receveur notamment, peut être envisagée la greffe d’îlots de Langerhans. Longtemps cantonnée au domaine de la recherche, la greffe d’îlots de Langerhans a obtenu très récemment l’aval de la Haute Autorité de santé dans le parcours de soins des patients diabétiques non obèses, avec un diabète déséquilibré. À la différence de la greffe de pancréas total, la greffe d’îlots de Langerhans nécessite un traitement au préalable une digestion de la glande pancréatique afin d’isoler les unités fonctionnelles productrices d’insuline, pour pouvoir ensuite les réinjecter par voie intra-portale (chirurgicalement ou par technique radio-interventionnelle). L’efficacité intrinsèque de la greffe d’îlots est donc moindre en comparaison à une greffe de pancréas total, et nécessite plusieurs injections (2 à 3) pour obtenir une amélioration de l’équilibre glycémique, et environ 50 % d’insulino-indépendance à 1 an (versus 85 à 90 % en greffe de pancréas)(2). Actuellement, cette stratégie est en plein développement, du fait de sa complémentarité avec la greffe de pancréas chez le patient diabétique de type 1. Lors du congrès européen de l’ESOT en septembre 2023, l’équipe lilloise a présenté les résultats de l’étude KA-IAK (Kidney Alone vs Islet After Kidney) qui montrent à l’aide d’un score de propension l’augmentation de la survie des greffons rénaux lorsqu’une transplantation d’îlots est réalisée chez un patient diabétique de type 1.   Améliorer le suivi des greffes d’îlots : les atouts du β2 score L’essor des traitements de suppléance insuliniques allo-immuns entraîne la nécessité de développer et améliorer les outils biologiques permettant une surveillance étroite de la fonction du greffon. Dans ce contexte, Chetboun et coll. ont étudié le registre international de greffe d’îlots afin de déterminer les facteurs associés avec la fonction des îlots à 5 ans de la dernière injection(3). Les données cliniques, biologiques et relatives à la greffe d’îlots (nombre d’injections, quantité d’îlots injectés, traitements immunosuppresseurs) ont été analysées sur 1 210 patients greffés entre 1999 et 2020. La fonction primaire des îlots était définie par le β2 score (score composite associant la glycémie, le peptide-C, l’HbA1c et la dose quotidienne en insuline) un mois après la dernière injection des îlots. Le critère principal d’évaluation était un critère composite d’échec de greffe d’îlots regroupant une HbA1c > 7 % et/ou la survenue d’hypoglycémies sévères et/ou un peptide C effondré (< 0,2 ng/mL). Un critère secondaire d’évaluation était l’insulino-indépendance à 5 ans. Parmi l’ensemble des critères analysés le β2 score un mois après la dernière injection d’îlots était le critère le plus significativement associé à la fonction des îlots à 5 ans, ainsi qu’à l’insulino-indépendance à 5 ans. Cette association était linéaire, c’est-à-dire que plus la valeur initiale de β2 score était basse, plus le risque d’échec à 5 ans était élevé. Cette association était retrouvée similairement parmi les receveurs d’une greffe d’îlots seule ou d’îlots après rein, parmi les patients ayant reçu une seule injection ou plusieurs injections d’îlots, et de manière indépendante à la quantité d’îlots injectés. Ce travail est remarquable, d’une part, du fait de l’exploitation statistique rigoureuse d’un registre international comportant plus de 1 200 patients greffés d’îlots (à titre de comparaison, 10 à 20 patients sont greffés d’îlots chaque année en France) avec des données de suivi longitudinal exploitables à 5 ans. Il véhicule un message clé, relatif à l’évaluation précoce de la fonction des îlots greffés plutôt qu’à la quantité d’îlots injectés, un paramètre simple mais fondamental utilisé quotidiennement en transplantation rénale. Évidemment, une validation prospective de l’association du β2-score avec la fonction à long terme de la greffe d’îlots sera nécessaire afin d’ancrer définitivement cette stratégie dans la prise en charge des patients. Les auteurs ont d’ailleurs proposé leur modèle de prédiction de survie de greffe à long terme via un calculateur disponible en ligne (http://pgf.diabinnov.com/).   Transplantation pancréatique et β2-score précoce Rapidement après, la question de l’utilité du β2-score en transplantation pancréatique s’est posée, en corolaire aux travaux réalisés en greffe d’îlots de Langerhans. Un travail collaboratif entre les centres lillois (greffe d’îlots) et nantais (greffe de pancréas) visait à comparer le β2-score précoce des patients ayant un greffon fonctionnel à 3 mois entre les différents types de greffes d’îlots et de pancréas(4). De manière attendue, les valeurs précoces de β2-score chez les patients greffés de pancréas étaient similaires à celles relevées dans une population contrôle non diabétique, et significativement plus élevées que celles observées après greffe d’îlots de Langerhans. De manière très intéressante, la prédiction de survie libre d’insuline établie à l’aide du β2-score précoce était similaire à celle observée pour les greffes de pancréas seul (PAK et PTA) mais sous-estimait la survie à long terme des greffes issues d’une transplantation simultanée rein-pancréas (SPK). Ce travail ouvre la porte à l’utilisation du β2-score en greffe de pancréas mais soulève aussi d’intéressantes interrogations. En effet, malgré une fonction pancréatique similaire au décours immédiat de la transplantation, la survie des pancréas issus d’une greffe combinée rein-pancréas est supérieure à celle des greffes de pancréas seul, mais aussi des greffes de pancréas réalisées après une greffe rénale. Si ces observations corroborent les données des registres internationaux de greffe pancréatique, l’explication de cette différence est actuellement incertaine. D’aucuns ont historiquement proposé une augmentation de l’incidence de rejet lors d’une greffe de pancréas seul du fait d’un moindre dépistage des rejets infracliniques réalisés lors du suivi de la greffe rénale. Cette explication est cependant challengée par les données récentes retrouvant des incidences similaires de rejet dans les différents groupes de greffe pancréatique recevant les traitements immunosuppresseurs actuels. Ainsi, les déterminants exacts et multifactoriels de perte de fonction à long terme des greffons pancréatiques et d’îlots restent à élucider, afin d’améliorer la survie de ces greffons et parallèlement celles du greffon rénal et du patient.

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